La villa des justes

Avril 2018



Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais de visites de lieux abandonnés.

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Pour être honnête, je ne comptais pas poster de compte rendu pour cette villa totalement en ruines trouvée par hasard au bord de la route. Hyper facile d'accès et grande ouverte sans aucune délimitation entre la rue et son parc, elle demeure assez peu taguée hormis une croix gammée à l'envers et une inscription "le coran" avec une petite flèche.

En dehors de cela, les vestiges sont propres.



À part quelques beaux plafonds, il faut être honnête, il n'y a rien à voir du tout à l'intérieur. Mais comme j'aime l'histoire des lieux au delà de la photographie, j'ai décidé de me pencher malgré tout sur son cas.

Première surprise : la littérature ne manque pas à son sujet. Elle semble connue de tous dans ce petit village à tel point qu'un article, un film ainsi qu'un livre lui ont été consacrés et sont aujourd'hui édités et promus par la municipalité.

Deuxième surprise : l'histoire est belle et touchante et c'est la raison qui m'amène à rédiger ce petit compte rendu historique.

Comme vous allez le voir, je vais rester vague sur certaines informations pour ne pas trop vendre le lieu et ainsi éviter les potentielles dégradations. Même si mon site a une visibilité moindre (500 lectures par mois pour les plus gros articles) et que la mairie fait la promotion de ce lieu, je me sens une petite responsabilité dans le fait de ne pas dévoiler sa localisation. Ainsi, je vais passer sous silence certains éléments de la vie du lieu pour un peu plus de discrétion.



Début 1900, un notable de la région décide de s'installer dans ce petit paradis où la nature offre tout ce qu'elle a de plus beau : une température clémente toute l'année, un ciel bleu azur, une mer calme et une colline juste suffisamment présente pour abriter du vent, qui souffle un peu trop dans la région.
Après une vie paisible dans sa demeure, ce notable prit la décision de se séparer de son bien. Le nouvel acquéreur sera un collaborationniste assidu durant la seconde guerre mondiale. Il sera exécuté en 44 par un groupe de résistants.

La villa est dès lors réquisitionnée et confiée à une union Juive pour en faire un foyer ayant pour but de secourir et d'aider les enfants dont les parents ont été résistants ainsi que les enfants de déportés. En simplifiant un peu, il s'agit de l'ancêtre de ce qui est aujourd'hui le MRAP.
Elle fonctionna à compter de 1945 et prendra le titre de maison d'enfants en bonne et due forme dès 1948. Une quarantaine d'enfants ont pu y séjourner et tous sont unanimes, ils vécurent ici des moments heureux après les années noires qu'ils venaient de traverser. La pédagogie utilisée a été théorisée en URSS et se basait sur le partage des taches et des responsabilités et rien ne devait être effectué sous la contrainte. Il s'agissait d'un lieu de vie mixte où les enfants étaient logés et pouvaient être scolarisés dans l'école du village et l'essentiel était de les aider à se reconstruire.



Toute la formation éducative était constituée d'une équipe pluridisciplinaire dont les membres avaient connu au pire la déportation, au mieux, la répression. Tous avaient la volonté de mettre en avant leurs valeurs et leurs idées pour accompagner au mieux ces enfants.
Un peu avant les années 50, l'école fut dissoute pour des questions budgétaires. Les enfants ont donc été dispersés dans d'autres maisons adaptées. Les difficultés financières ont été en lien avec l'orientation politique des dirigeants, communistes. En pleine guerre froide, le principal financeur, une association juive américaine de solidarité, a cessé son aide vitale. La villa est à l'abandon depuis.



Aujourd'hui, les habitants se souviennent avec nostalgie de cette période trouble de l'histoire et de l'espoir naissant pour ces jeunes enfants, la plupart orphelins. Plusieurs personnes ont pu faire le déplacement et se sont rendues sur les vestiges de la villa où les témoignages, aussi nombreux qu'émouvants, ont pu refaire vivre pendant quelques instants ce lieu chaleureux.

La nature reprend petit à petit ses droits et s'adapte avec aisance à la structure solide de cette construction centenaire. Peut être qu'un jour elle s'écroulera sous le poids de toute cette végétation qui souhaite prendre sa revanche et tirer un trait sur une période trouble de notre humanité, mais la solidarité et la fraternité seront là, à tout jamais.

 

Car oublier serait tout recommencer.

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