La bastide de la source

Mai 2017




Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais d'explorations.

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Plusieurs milliers d'automobilistes passent quotidiennement devant cette bastide qui intrigue autant qu'elle fait peur. En effet, elle est située dans un coin réputé "ultra sensible" où il ne fait, soi disant, pas bon s'aventurer. Plusieurs blogs locaux, qui n'ont rien à voir avec l'exploration urbaine mais traitent de la sauvegarde du patrimoine, relatent des événements de type "règlements de comptes" et points de deal à proximité.

Pire, une personne souhaitant prendre des photos a même dû fuir face à l'arrivée d'un deux roues dont le conducteur était vraisemblablement irrité de la présence du photographe.

Bon, il est vrai que le lieu quartier n'est pas très glamour mais cela ne me semble pas pire que ce que l'on peut trouver dans les grandes agglomérations françaises. Puis, j'y suis allé seul à 2 reprises et accompagné par la suite, avec Amélie d'AD Urbex et un compagnon de route du nom de Bruno et sa comapgne. Nous n'avons, dans l'absolu, croisé personne ni même observé quoi que ce soit d'anormal. Ceci dit, comme à chaque visite d'un lieu abandonné, la prudence est de mise et il est parfois plus sage de rebrousser chemin plutôt que de faire une mauvaise rencontre.

Cette bastide date du 17ème siècle et a été construite par une famille de notables du sud de la France. Sa date de construction en fait l'un des plus vieux édifices de la ville. Elle a pu accueillir quelques grands noms de l'histoire de France, notamment une princesse de Grèce et du Danemark.
Plusieurs membres de la bourgeoisies locales se sont succédés, jusqu'à la seconde guerre mondiale où les Allemands, afin d'apporter une nouvelle voie de communication, ont décidé de construire une autoroute, à quelques mètres de cette bastide, coupant ainsi son grand parc et havre de paix, en deux. Résultat, le lieu a perdu sa vocation résidentielle première et a accueilli, de 1941 à 2004, une caserne de gendarmes où la plupart des militaires vivaient sur place.

À la fermeture de la caserne, l'urbanisation de type "cités" qui entoure la bastide, l'autoroute, ainsi que la falaise réputée instable a fait que le lieu est devenu une friche parmi tant d'autres dans ce quartier qui semble à l'abandon. Courant 2009, la municipalité propose d'installer des familles Rroms mais face à la colère des riverains qui souhaitent une réhabilitation du lieu en espace public, le projet n'est pas retenu. C'est d'ailleurs non loin de là, qu'un campement sauvage avait été brûlé par des habitants se disant excédés des nuisances occasionnées par ces quelques familles nomades. Ce coin transpire la joie de vivre et la bonne humeur, non ?

En vente pour une somme plus que modique (voir en fin de l'article), le lieu est très vaguement entretenu par une SCI de personnalités locales qui y élèvent notamment des guêpes (oui oui !).

Le parc, immense, comprenait un haras, une petite rivière qui permettait de couler des jours paisibles à la campagne et surtout, le vestige d'un ermitage qui remonte au 12ème siècle, construit dans une grotte, à flan de falaise et au sein même de la propriété.

Fidèle à mon habitude, et même si le portail est grand ouvert, je me gare à quelques centaines de mètres, dans une petite zone pavillonnaire, histoire d'être le plus tranquille possible et de ne pas éveiller le moindre soupçon. Sur le long chemin qui mène à la bastide et qui était donc une part intégrante de l'ancien parc, je réalise à quel point le lieu devait être paisible et immense. Sur la route, je remarque énormément de déchets de chantiers et constate que ce poumon vert est utilisé comme une décharge sauvage qui vient s'ajouter à la longue liste de celles qui existent déjà dans la région. Il y règne donc une atmosphère de désolation urbaine et surtout d'un grand gâchis. Comment est-il possible que les pouvoirs publics laissent un si bel édifice dans cet état et autorisent, de fait, à le polluer de manière totalement inconsciente ?



Mais mince, qu'est-ce qu'elle est belle cette bastide ! Les quelques tags et sa rénovation dans les années 70 (qui a malheureusement enlevé les fioritures d'antan) n'entachent pas sa grandeur car l'édifice en impose réellement. La végétation luxuriante et le chant des cigales apportent un calme apparent qui tranche radicalement avec le bruit de l'autoroute situé à environ 3 mètres du flanc ouest de l'ancienne habitation. Un tout petit grillage sépare donc la demeure de la voie rapide. Quelques chats traînent ici et là et sont particulièrement familiers (je n'aime pas trop ça, en principe cela peut vouloir dire que quelqu'un les nourrit et donc qu'il y a un squat à proximité).



Le toit, qui semble encore en très bon état, comprend une décoration typique avec quelques tuiles de couleurs.



Malheureusement, les pilleurs ont fait du bon boulot : il manque beaucoup de volets et les ferronneries jadis ornées des armoiries d'un des propriétaires ont disparu.




La rénovation qui a consisté à changé la texture du mur (voir les photos d'archives plus bas) n'est pas du meilleur effet. Toutefois, il reste encore deux petits détails d'origines, particulièrement sympathiques.





Même si la plupart des fenêtres sont murées, l'accès n'est pas compliqué à trouver. Je décide cependant d'attendre d'avoir un peu de compagnie, et donc de m'y rendre une troisième fois pour rentrer à l'intérieur.





Pourquoi cela ? L'accès le plus naturel est glauque au possible. Hors de question de passer par là. Mais on peut également rentrer par la seule fenêtre qui n'a pas été murée si l'on est assez fin pour passer entre des barreaux un peu écartés et que l'on accepte des contorsions peu orthodoxes. Et c'est cela qui me pose problème. En cas de mauvaise rencontre, il ne sera pas facile de prendre la fuite rapidement.
Je décide donc de rentrer à l'intérieur, accompagné.



Au pied de la fenêtre par laquelle nous passons, il y a énormément de plaques de polystyrène à tel point que lorsque nous entrons, nous faisons un bruit de malheur. Je pense instantanément à une "alarme" réalisée avec les moyens du bord car cela n'a pas de sens que d'entreposer du polystyrène ici.
L'odeur est étrange. Un mélange de pourri couplé à de la sueur. Nous prenons nos précautions pour la visite.



Le couloir de cet aile de la bastide a semble-t-il été brûlé. Il est par ailleurs tagué et est donc dans un état très relatif. De plus, la rénovation fait qu'il est resté dans un jus très 70's et qu'il n'est pas le dernier cri de la mode. Il permet de desservir une très grande pièce ou du matériel de chantier semble être stocké. Rien à voir, en toute honnêteté. Au mieux, il y a quelques photos au sol qui représentent une maigre consolation.



Au niveau des étages, tout est plus ou moins dans le même état de désolation.







Même la cage d'escalier semble insignifiante tant elle a été remaniée au fil du temps et n'est plus que l'ombre d'elle même !



Encore et toujours du désespoir :





En fait, la seule trace du passé que l'on peut encore retrouver dans cette bastide concerne l'encadrement d'une porte en pierres qui devaient être jadis un accès au salon.



Enfin, visite des sous sols qui comprenaient une multitude d'anciennes cellules, sans doutes créées à cause de la gendarmerie qui a pu occuper les lieux. Ce passage étant totalement sombre et faisant froid dans le dos nous ne nous attardons pas à l'intérieur mais prenons le soin de passer dans chaque cellule rapidement.





En sortant, petit détour par l'ancienne serre dont il ne reste plus rien mais qui a un côté post apocalyptique du plus bel effet.



Comme dit dans l'introduction, le parc comportait un ancien lieu de culte construit à flanc de colline dans une grotte au 12ème siècle. Son histoire n'est pas très claire mais elle pourrait avoir été construite par des fidèles fuyant Jerusalem et ayant été accueillis en ville. On peut bien entendu l'apercevoir lorsque l'on est au pied de la bastide.



Faisant partie intégrante du parc, il est aujourd'hui nécessaire de reprendre la voiture afin de traverser l'autoroute pour tenter de visiter cette grotte.
L'accès est périlleux, puisque le lieu n'en possède tout simplement pas. Le plus logique ayant été de traverser un cimetière et de se débrouiller pour continuer au delà de son périmètre. Autant vous dire qu'il ne faut pas avoir le vertige et qu'il est nécessaire de marcher droit. Une chute, et l'on termine, une grosse dizaine de mètres plus bas, au milieu de l'autoroute !
Je ne suis pas le seul a avoir eu l'idée de passer par ici, en témoignent plusieurs carcasses de scooters que l'on a cherché à faire disparaître. Mais une fois que l'on s'éloigne un peu de cette casse improvisée, la randonnée est plutôt agréable.






Et après une bonne centaine de mètres, on est transporté au 12ème siècle. Le lieu est impressionnant et dégage une très grande sérénité. De plus, cela ne se voit pas sur la photo, mais cet ermitage est relativement haut car les ouvertures sont toutes à l'échelle humaine !



Le campanile qui permettait de faire fonctionner la cloche dans est toujours là. C'est le seul vestige qu'il reste d'une pratique religieuse. Je suis vraiment sous le charme et ce qui est amusant, c'est qu'à travers cette chapelle, on peut constater que même si ces quartiers ont été grandement urbanisés dans les années 70, sous certains angles, ils ont gardé un côté relativement champêtre.





Il est possible de continuer un peu au delà de l'ermitage pour avoir une vue d'ensemble sur l'ancienne bastide, je prends une photo rapidement mais ne m'attarde pas plus longtemps sur le bord du petit chemin.



Voici un plan de la grotte dessiné par un spéléologue amateur, Paul Courbon :


Sur le chemin du retour, je fais quelques clichés rapides :





Quelques photos d'archives, pour terminer, qui permettent de montrer le lieu sous différentes époques :

  

   

  

À compléter avec une vue des années 30, la grotte étant au nord ouest de la bastide.


Et aujourd'hui, la vue d'ensemble avec l'autoroute qui sépare la bastide et l'ermitage tout en isolant le ruisseau :

Enfin, ceux qui ont de maigres économies peuvent faire l'acquisition de ce "château". J'aime bien la mention "accès libre au site - pas de visite prévues". C'est sûr que l'on s'imagine mal un agent immobilier passer entre deux barreaux pour montrer l'intérieur, ravagé et tagué.


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