Le château du diablotin

Septembre 2016




Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais d'explorations.

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5h du matin. Je suis déjà debout. Comme chaque nuit qui antécède une exploration, mon esprit carbure au-delà du raisonnable et je ne parviens pas à trouver le sommeil. Les quelques bribes de repos que j'ai pu avoir ont toutes été animées par des rêves étranges où je faisais des rencontres farfelues et où l'accès au château était compliqué. Squatteurs, migrants, gardiens ou meute de chiens, mon cerveau a passé en revue tout ce qui m'angoisse intrinsèquement lors d'une exploration. Pourquoi je parle de migrants dans le lot ? En fait, de par mon travail, je suis amené à aider parfois des migrants et je sais de source sûre que certains châtelains louent des pièces de châteaux (bien souvent le sous sol en plus) à des migrants, en échange d'un peu d'entretien et d'une somme pas si bon marché.

Le Kazaar qui coule dans la Nespresso délivre une douce odeur qui annonce que le jour J est arrivé. J'ai rendez-vous à 7h30 au pied de la gare de ma ville pour rejoindre un autre explorateur. Je descends dans la rue, tout est désert. Rien dans nos ruelles. Dans ma voiture, les titres musicaux tranchent avec le calme ambiant de ce dimanche matin et me permettent d'attendre mon acolyte de manière détendue.

Nous nous rejoignons à l'heure indiquée - c'est agréable les gens ponctuels - et nous partons aussitôt car nous avons de la route à faire, comme bien souvent lorsqu'il s'agit d'explorer de belles bâtisses, véritable passion anti-écologique qui tranche avec le Paris sans voiture initié ce même jour. 

Sur le chemin, nous faisons un point historique sur la demeure, qui m'a été conseillée par une connaissance avec les indications qui vont bien pour rentrer au sein même de l'édifice.

C'est un château remanié au fil des siècles, dans un style qui demeure très XVIIè, situé dans un parc de plus de 35 hectares. Il a eu plusieurs vocations selon les âges mais il est surtout connu pour ses réceptions fastueuses privées comme professionnelles. Il comporte plusieurs salons (qui font entre 50 et 120m²) et peut accueillir beaucoup de monde avec pas loin de 200 chambres dont plusieurs suites royales. En véritable lieu d’exception, il a hébergé la plupart de nos hommes d’État et en son sein ont été prises des décisions qui ont changé le territoire français, autant dans sa dimension géographique que cultu(r)elle. Dans le parc du château, on trouve plusieurs bâtiments plus modernes qui sont actuellement occupés par des forces étatiques et il y a même quelques bunkers utiles en cas de catastrophes. Le lieu peut donc être potentiellement bien surveillé. Par chance, un bois est présent à l'arrière du parc, ce qui permet, en principe, de rentrer sans trop de complications.

Détail amusant, étant tout gamin, j'ai été à un mariage dans ce château. Je n'en ai aucun souvenir, pour être honnête, mais mes parents ont eu à cœur de me rafraîchir la mémoire.

Nous arrivons et pouvons nous garer juste en face de l'adresse. En principe, je n'aime pas trop faire ça, mais dans cette petite ville, ce sont les seules places disponibles. Le portail du château est ouvert mais ne crions pas victoires car :

- Il y a des caméras rotatives qui balaient la zone

- Il y a un gardien

- Il y a des voitures garées dans le parc

- Des animaux fermiers broutent tranquillement

Bon, et accessoirement, le stationnement est limité à 20 minutes, mais passons. Nous décidons, pour plus de prudence, de faire le tour entier en passant par le bois à l'arrière du domaine. Cela nous fera faire un peu de randonnée mais surtout, nous avons ainsi la garantie d'être bien plus discret.

Une fois arrivés dans le bois et après un peu de contorsions, le parc nous tend ses bras et le château se dessine rapidement au loin, à travers la brume matinale.


Nous restons totalement subjugués par la beauté de cette imposante bâtisse. En fait, nous nous posons même la question de savoir si le lieu est réellement abandonné tant il semble entretenu !

Nous faisons le tour très discrètement même si totalement visibles et sommes malgré tout un peu inquiets d'entendre des coups de feu car une chasse est organisée à proximité du parc, peut être même en son sein !

Dieu qu'elle est belle ! Cela ne m'étonne pas que les plus grands de ce monde n'aient eu d'yeux que pour cette ravissante personne. Loin de moi de la qualifier de cougar mais elle est quand même diablement séduisante !

Nous entrons. Mon contact m'avait donné exactement la marche à suivre. Merci à lui !

Et on nous déroule le tapis rouge dès l'arrivée !

Somme nous en train de cambrioler un château encore en activité ? Le doute reste de mise pendant les premières minutes de la visite car l'entrée est somptueuse, et nous ne sommes pas sapés à la hauteur de cette bonne mère, sublime et chaleureuse.


Instinctivement, nous montons à l'étage et sommes accueillis par une peluche de diablotin qui regarde un livre de comptes qui date de 1925 ! Une véritable relique qui a dû vendre son âme au diable afin de survivre aux épreuves du temps.



Cette ouverture centrale est vraiment de toute beauté !

Dans un premier temps, nous allons nous focaliser sur cet étage qui est vraisemblablement l'étage des suites un peu plus "bourgeoises" que celles que l'on pourra trouver aux autre niveaux. Le rez-de-chaussée demeure en fait la partie la plus intéressante (comme vous le verrez en fin de compte rendu).


Le couloir qui dessert toutes les pièces nous ouvre grand ses bras.

Première suite, donc, qui comporte une grande pièce à vivre avec une belle cheminée, une salle capitonnée (???) et une grande salle de bain. Toutes les chambres ont l'avantage d'apporter une belle vue sur le grand parc du château et d'avoir des placards cachés derrières des portes normales.





Les autres pièces du couloir sont grosso modo du même acabit. Chose étonnante, des chambres un peu plus chiches sont encore meublées et ultime détail curieux, il y a de la moquette murale dans une des salles de bains (pour l'isolation phonique ?)





Des téléphones sont présents dans la plupart des pièces et on trouve encore, ça et là, quelques horloges vintages qui ne fonctionnent plus, tout comme les ascenseurs sur le palier.




Toutes les salles de cet étage se ressemblent et seul le papier peint permet de les différencier. Quelques grandes pièces sont beaucoup plus vides et étaient sans doute les autres suites royales.

Nous montons à l'étage. Les chambres se réduisent alors et n'ont, en toute honnêteté, plus grand chose de particulier. Le couloir principal prend des airs d'hôpital et le papier peint flashy est de rigueur. Dans une des pièces, on retrouve tous les matelas et traversins stockés. Pour quelle utilité ? Impossible de le savoir.







Rien de plus à se mettre sous la dent dans, montons donc au niveau suivant ! Les pièces sont kif-kifs, seul le couloir change mais les ouvertures offrent une très belle vue sur les toits du château.




On sent clairement que cet étage est plus fatigué. Les fenêtres sont sales, l'odeur parfois pas top et le papier peint s'écaille.

Dans une pièce que je ne mettrai pas en photo, on trouve toutefois beaucoup de choses intéressantes sur toutes les personnalités qui ont pu occuper le lieu (facture, convocations à des réunions, clichés etc.). On trouve aussi une photo de groupe de pompiers québécois. C'est tiguidou !

Une porte amène encore à un ultime et dernier escalier qui permet d'aller au grenier. Et c'est là que les choses se gâtent. Le grenier est envahi de pigeons. L'odeur est insoutenable et le sol comporte plusieurs centimètres de fientes qui fait qu'il est quand même assez moyen de tenter le coup.

Je m'y aventure un peu, surtout pour aller en haut de la tourelle qui permet de régler l'horloge du château, or, avec ces pigeons qui rodent, c'est tout bonnement impossible en plus d'être dangereux pour la santé comme m'en informe Jules. Je fais donc demi tour après être arrivé quasiment en haut (croyez-moi, d'avoir des pigeons qui vous tournent autour de la tête avec une odeur de merde, tout en mettant les mains dedans pour attraper les barreaux, c'est pas très confortable).

Retour au rez-de-chaussée qui nous transporte dans les fastueuses réceptions gouvernementales !

Nous arrivons dans un salon immense qui faisait office de bar, au plafond orné de boiseries sculptés et d'un miroir monumental.

La pièce suivante, un nouveau salon, reprend quant à elle des codes bien plus impériaux et possède un papier peint verdâtre qui met en avant les fines dorures de la cheminée et les peintures décoratives au dessus des portes.




Nouvelle pièce, nouvelle ambiance, mais forcément, beaucoup moins agréable que la précédente car on peut difficilement faire mieux ! Simplement blanche, avec une peinture de mauvais goût sur la cheminée. Probablement une chambre à coucher.

Nous passons ensuite vers un petit passage qui comporte salles de bains et cuisine. Toujours classes malgré tout.




Enfin, nous nous dirigeons vers l'autre aile du rez-de-chaussée. Et attention, c'est aussi un bel ouvrage ! La salle principale de réception est grandiose et est bien plus grande que mon appartement, sans même avoir à louer quoi que ce soit.


J'apprécie également l'autre pièce, en enfilade, qui possède un cachet raffiné et une très belle peinture murale !

Une nouvelle cuisine est présente à la suite de cet espace. Quasiment vidée, son principal intérêt demeure dans son porte plat qui possède une adresse parisienne qui n'existe plus.

Nous continuons et tombons sur une chambre qui semble avoir été squattée très récemment (les yaourts datent de mai 2016) !

Dernière suite, et non des moindres, reprend quant à elle un aspect un peu plus classique, tendance rococo. Le placard est encore plein de vêtements masculins.

Nous avons fait le tour de la bâtisse. Rendons nous à présent dans les sous-sols. À notre grande surprise, les sous-sols sont encore pleins de bricoles. Il y a tout à l'intérieur ! Ordinateurs, télévisions, pianos, livres, outils, jeux, chaises et beaucoup d'autres choses !




Plus loin, nous trouvons le stock de vin ! Principalement du vin arabe (j'ai ma petite idée sur l'occasion

de son achat).



Après avoir vérifiés des livrets de compte quasi centenaire, puis observés du matériel électrique, nous partons. À signaler que l'usage de la lampe torche et indispensable pour la cave.



Nous sortons très discrètement, la journée étant déjà entamée, il y a probablement du monde qui s'active autour du château. Notamment, nous entendons le gardien vaquer à ses occupations dans son jardin, ce qui n'est pas très rassurant dans un lieu pareil.

Nous prenons malgré tout le temps de visiter trois choses : la glacière, l'animalerie et le terrain de tennis.



Le départ du parc sera bien plus délicat. Nous ne nous sentons pas de parcourir le bois et décidons donc de passer par une muraille qui sépare le domaine du reste de la ville. Il va falloir être discret car nous allons devoir passer par le jardin du gardien. Mon téléphone en profite pour sonner à ce moment là, mais passons, nous arrivons à sortir et nous sommes à présent dans la rue.

Mon acolyte me dit que ce serait bien, quand même, de faire une photo du château de face.

Nous nous approchons alors faussement naïfs de la grille d'entrée et nous tombons nez à nez avec le gardien. Un peu embêtés, nous faisons mine d'être innocents puis il nous dit, de manière très sympathique, de ne pas hésiter à rentrer et à nous avancer un peu pour prendre des photos de face !

Très bon état d'esprit de ce monsieur qui ne fait pas du zèle idiot et contribue à mettre en valeur un patrimoine historique, mais il est clair qu'il n'aurait pas eu la même attitude si il savait où est-ce que nous avions passé nos deux dernières heures...

Pour finir, voici une vieille photo du château avant ses travaux dans les années 20 et la destruction de ses deux grandes ailes.

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